Qu’est que la faculté de théologie protestante signifie pour vous ?
Bauks: C’est un lieu magique. Cette villa du XIXe s. avec son beau parc, la bibliothèque avec ses fonds anciens qui rappellent une tradition beaucoup plus longue, les gens sur place qui sont gentils et accueillants – et tout cela au cœur d’une des plus belles villes que je connais. Je reviens de temps en temps et je constate que cette atmosphère positive n’a pas changée.
Comment avez-vous fait la connaissance de la faculté ?
Bauks : En 1995 j’étais jeune docteure en théologie (Ancien Testament) venant de l’Université de Heidelberg. Ma faculté avait un programme d’échange académique avec Montpellier. Le prof. Hans-Peter Mathys me dit : « Madame, il y a un poste vacante de professeur d’Ancien Testament à Montpellier. Si j’étais vous, je postulerai » – ce que j’ai fait et j’étais élue pour commencer mon enseignement sur place qui a duré de l’année académique 1995-96 jusqu’en 2004-5.
Quelles ont été vos expériences ?
Bauks : Au début ce n’était pas simple, mais mon entourage a été très sensible pour bien m’intégrer. Seule, femme, allemande … c’était beaucoup à la fois. Je pense que j’ai eu la chance de me retrouver dans une situation universitaire qui est en lien direct avec la vie civile de Montpellier, les paroisses. Grâce à elles j’ai rencontré tout de suite des personnes proches à côté des contacts très amicaux que j’avais et que j’ai encore avec les collègues.
A l’époque, les grands systématiciens français, le prof. André Gounelle et le prof. Jean Ansaldi, étaient encore en poste. Pour moi, la nouvelle arrivée, ils ont quasiment incarné la faculté grâce à leur autorité et leur réputation dans le monde académique et ecclésial. Après leur retraite, le collège s’est retrouvé comme une « bande de jeunes », presque tous plus ou moins du même âge. Je pense qu’on a bien réalisé la transition. Les plus « anciens » sur place ont bien aidé les nouveaux arrivants. En même temps la situation générale a changé : Les universités françaises ont introduit un degré académique supplémentaire, l’habilitation à diriger la recherche (HDR). Ensuite la recherche est devenue plus interdisciplinaire, et des centres de recherches ont été créés qui ont amené peu à peu l’intégration de la faculté de théologie indépendante dans les programmes de l’université de Montpellier. Nous avons tous eu nos pôles de recherche du CNRS ou ailleurs, mais aujourd’hui les liens me semblent plus étroits. En même temps, ce type de coopérations et le HDR a permis structurellement le départ des professeurs de l’IPT qui changeaient de postes. Je pense qu’il y a aujourd’hui beaucoup plus de fluctuation dans la faculté qu’avant mon arrivée en France.
Que souvenez-vous de l’histoire de la faculté ?
Bauks : Je me souviens des soirées solennelles de la faculté, une très belle tradition pour inaugurer l’année académique qui me donnaient l’occasion de rencontrer des grands savants français et francophones. Enfin je me souviens très bien des cérémonies du IVe centenaire en 1996 dont une partie s’est passée au Corum. Beaucoup de professeurs présents portaient une toge universitaire avec la couleur correspondante aux différentes facultés (violet en théologie). Cela n’existait plus dans les universités allemandes et m’a fortement marqué –d’autant plus que j’étais la seule femme dans une procession assez longue de professeurs qui entraient ainsi sur la scène. Au cours des festivités la faculté a délivré quatre doctorats honoris causa à des collègues des facultés jumelées de Heidelberg, Neuchâtel, Richmond et Louisville.
En général, la vie à la faculté était très internationale et colorée. Ce n’était pas seulement des étudiants européens qui arrivaient, mais aussi d’autres continents, bien sûr du DOM-TOM, mais aussi du Japon ou des Etats-Unis. Pour encourager aussi nos étudiants français à voyager, j’ai organisé plusieurs excursions en coopération avec les universités de Heidelberg, Mayence et Tübingen qui ont permis de découvrir la naissance du christianisme en Provence, les sites de la Réforme ou la terre sainte d’Israël.
Quels seraient vos vœux pour l’avenir de la faculté de Montpellier ?
Bauks : Sa responsabilité pour la société est immense. La sécularisation avance partout en Europe centrale, et l’autorité jadis d’une faculté de théologie, aussi centrale dans les universités médiévales, a disparu. Je pense que le monde d’aujourd’hui n’est pas devenu moins religieux, mais plus superstitieux et idéologique. Dans ce climat une faculté protestante est importante – et cela d’autant plus dans un pays comme la France, où la laïcité est devenu une doctrine d’état qui pourrait faire croire que l’homme peut être neutre et que la religion est un empêchement à la neutralité. Je pense que l’histoire du protestantisme français nous rappelle combien c’est important d’avoir une neutralité vis-à-vis des religions et confessions minoritaires. Mais en même temps elle montre aussi que les confessions persécutées ne disparaissent pas simplement de la course de l’histoire, mais luttent pour que leur identité soit reconnue. Et c’est bien !
Vive la faculté de théologie protestante à Montpellier !